Edito : Pas assez de « bon État », trop de « mauvais État »

Depuis de nombreux mois, se développe presque partout en Europe une montée de colère diffuse contre le monde politique et les pouvoirs publics. Ce mécontentement prend diverses formes d’un pays à l’autre. Il résulte de nombreux facteurs ce qui rend encore plus difficile la tâche du monde politique qui ne sait comment gérer ce mécontentement. Notre pays est encore épargné mais le sentiment de frustration qui a saisi l’électeur lambda est de plus en plus perceptible. Il se traduit notamment par le refus d’engager des réformes alors que celles-ci n’ont jamais été aussi nécessaires et par une critique farouche de tous ceux qui remettent en cause la possibilité d’une fin de notre croissance. En Suisse, cette attitude se vérifie avec l’incapacité du parlement d’adopter une loi pour réduire le réchauffement climatique et par une fuite en avant avec des propositions de sous-enchères fiscales pour assurer notre compétitivité.

A l’échelle cantonale, nous assistons à des comportements semblables. Ainsi nos autorités entretiennent des projections économiques fondées sur les perspectives d’un Plan directeur complètement biaisé qui ne prend en compte ni les enjeux environnementaux, ni les bouleversements sociétaux. La décision du Grand Conseil de brader la zone agricole du Pré-du-Stand au Grand-Saconnex et de condamner à l’exil le dernier paysan de la commune, pour construire des bureaux et des terrains de sport dans un des lieux le plus pollué de la République en est un exemple. Et l’aberration de cette décision n’a pas pour autant dissuader une majorité de parlementaires de voter ce déclassement. Il en est de même avec les propositions du Conseil d’Etat qui postulent une sous-enchère fiscale pour rendre encore plus attrayant sur le plan démographique un espace vital déjà très restreint. Et cela sans réfléchir aux conséquences de cette politique sur la qualité de vie de nos concitoyens. Comme si inéluctablement, une croissance exponentielle représentait le meilleur moyen de répondre aux attentes des habitants de ce canton.

Sur le plan communal, le comportement de nos élus reste également figé sur des concepts d’aménagement totalement dépassés. L’exemple de la destruction projetée du dernier espace en Ville de Genève qui entretient encore un aspect villageois en est la meilleure illustration. Le Petit-Saconnex connaît l’une des densifications les plus fortes en Ville de Genève mais le Conseil administratif avec une majorité au Conseil municipal veut encore et encore détruire un espace traditionnel de petites villas et de jardins richement arborisés qui donne son cachet au village pour les remplacer par des barres sans âme qui anéantiront de manière irréversible ce qui fait le charme de ce coin de notre territoire. Cela avec la seule et unique idée qu’il faut impérativement bâtir pour répondre à une demande de logements sociaux artificiellement provoquée par des politiques fiscales mises en œuvre par ces mêmes autorités. Dans un autre quartier du Petit-Saconnex, le Conseil administratif s’est même opposé à la création d’un espace vert de sociabilité en obligeant les enfants à jouer dans la rue au milieu des véhicules !

Genève a mis en place en matière de promotion du logement social le pire système réglementaire imaginable en l’axant sur le seul objectif de maximiser la construction d’appartements. Ce faisant, il abandonne la responsabilité de de la qualité de l’habitat et de l’aménagement aux seuls promoteurs. Comme les marges bénéficiaires de ces derniers sont limitées, les promoteurs réduisent au maximum les coûts de la construction et de l’aménagement des nouveaux quartiers au détriment des futurs locataires. Il s’ensuit des logements de piètre qualité et très peu d’aménagements extérieurs. Cela aboutit à un dirigisme extrêmement lourd, contraignant et pusillanime sans que l’Etat – dont s’est pourtant la première obligation veille au bien-être des habitants. Un gâchis total qui en définitive accroît encore le mécontentement de la population. Il serait temps que les choses changent. Avec des pouvoirs publics qui prennent en compte à la fois les exigences de la transition écologique et les aspirations de la population pour une meilleure qualité de vie.

Photo : sebastien rosset sur unsplash