Edito : Franchir le seuil

EDITO

d’Arnaud Aebi

FRANCHIR LE SEUIL

Les enjeux environnementaux actuels, désormais connus de tous, nous forcent à questionner nos choix face à notre empreinte écologique. De nombreuses solutions visant à réduire notre impact sur la Nature existent, et elles reposent toutes sur notre manière de consommer. Outre le fait de consommer mieux, il s’agit surtout aujourd’hui d’apprendre à consommer moins.

Difficile lorsque l’on est issus d’une société dite « de consommation », gavés d’images publicitaires depuis notre plus jeune âge, de renoncer à ce que cette propagande consumériste nous a habitués à voir comme source de bonheur et de réussite sociale. Englués dans nos habitudes, ne rien changer en appliquant la politique de l’autruche est sans conteste la solution à court terme la plus confortable, l’une des raisons pour laquelle nous avons tant de mal à changer nos trains de vies pour la plupart excessivement énergivores. Tétanisés devant l’ampleur des phénomènes auxquels nous devons désormais faire face, entreprendre individuellement notre premier geste vers la réduction de notre empreinte écologique est sans doute l’étape la plus difficile, car elle nous jette implicitement dans l’arène avec les éco-responsables qui ont décidés de ne plus se voiler la face. On s’approprie le problème, on décide de lui faire face et ça devient notre combat. Et finalement, on se rend compte que ce n’est pas plus mal comme ça. On troque une sourde culpabilité sous couvert de déni contre un élan qui nous permet d’évoluer. Ca fait un peu l’effet d’une première bouffée d’air frais de l’extérieur après avoir passé toute une journée chez soi ; ce n’est qu’en franchissant le pas de la porte qu’on se rend soudain compte qu’elle nous manquait.

Pour moi, le début de l’engagement, mon petit geste pour l’avenir, c’est avec l’association « Nurban Concept » que je l’ai construit. Bien-sûr il y a eu tout un parcours avant d’y parvenir, mais au lieu de vous raconter ma vie, je vais plutôt vous dire pourquoi ce projet m’a parlé dès le départ et pourquoi il me tient tant à cœur. « Nurban Concept » a émergé d’un groupe d’amis issus de milieux académiques et professionnels variés qui se sont rassemblés autour d’un but commun : présenter des situations de réappropriation de l’espace urbain en y introduisant des systèmes de production agroécologiques. En substance, cela se traduit par des ateliers pédagogiques, des stands, et des collaborations autour de ruchers urbains et de bacs potagers confectionnés et entretenus par nos soins. L’idée est de réapprendre que la ville n’est pas nécessairement un espace stérile et qu’il est tout à fait possible d’être à la fois citadin, produire et consommer une partie de nos ressources alimentaires à deux pas de chez nous. En ramenant ces activités en ville, nous contribuons à les rendre plus accessibles dans la représentation collective. On espère ainsi encourager les citoyens qui hésitent encore à s’engager pour des démarches similaires et émerveiller les plus jeunes en leur faisant découvrir la sophistication d’une colonie d’abeilles.

Actifs sur le quartier du Petit-Saconnex depuis deux ans, nous avons installé des ruches à la Ferme de Budé avec laquelle nous sommes partenaires. Nous avons également participé à des évènements organisés par l’AHPTSG, notamment lors de la projection d’un documentaire autour de l’apiculture. Finalement, la Maison de Retraite du Petit-Saconnex en collaboration avec l’École Primaire de Budé nous a mandatés depuis 2019 pour délivrer des ateliers pédagogiques intergénérationnels. Ailleurs, nous entretenons un partenariat avec la Ferme du Sonneur située à Avully dont la production se concentre exclusivement sur des denrées alimentaires issues de l’agriculture biologique. Nous avons finalement collaboré avec la Commune de Lancy pour l’élaboration et la tenue d’ateliers pédagogiques apicoles visant les classes enfantines et primaires.

De cette aventure sont ressorties de solides amitiés, des rencontres incroyablement riches en enseignements, des passions, des rêves. Beaucoup de temps et d’énergie ont été consacrés bénévolement par toute notre équipe mais le jeu en a sans conteste valu la chandelle. Ce projet fait partie de nous. Ce projet, c’est nous. Il suffisait juste de franchir le seuil.

Février 2020