Une initiative pour croquer le bitume

Portée par une large coalition politique et de la société civile, l’initiative Climat urbain a été lancée jeudi. Elle vise à convertir 10% de la voie publique en espaces verts ou dédiés à la mobilité douce.

«Il n’y a pas de meilleure image que celle de devoir crier par dessus le trafic routier pour illustrer la nécessité de cette initiative», plaisante Louise Trottet, vice-présidente des Vert·e·s et membre du comité de Pro vélo. C’est en effet dans un petit square bruyant, situé entre la rue Leschot et la place des Philosophes, que l’association Actif Trafic, accompagnée de ses nombreux soutiens politiques et associatifs, a lancé jeudi l’initiative cantonale Climat urbain.

Un texte qui vise à convertir 10% de la voie publique dévolus au trafic individuel motorisé, à raison d’1% par an pendant dix ans, en espaces végétalisés ou dédiés à la mobilité douce (piétonisation, aménagements cyclables ou encore voies réservées aux transports publics). Si l’initiative est cantonale, la mesure ne s’appliquerait que sur le territoire des treize communes genevoises de plus de 10’000 habitant·es.

«Dix ans après l’acceptation par le peuple de l’initiative 144 pour la mobilité douce, nous avons décidé de poursuivre la dynamique pour répondre au défi urgent du changement climatique», expose Thibault Schneeberger, coordinateur en Suisse romande d’Actif Trafic. Comme son aînée, l’initiative Climat urbain est lancée dans plusieurs régions de Suisse: le canton de Bâle-Ville et les Villes de Saint-Gall, Winterthur et Zurich.

Lutter contre le CO2 et les îlots de chaleur
«Cette initiative s’attaque aux causes et aux conséquences du réchauffement climatique en diminuant l’espace dévolu à la voiture», poursuit le militant. Avec pour objectifs prioritaires de combattre les émissions de gaz carbonique et le réchauffement climatique. «Un tiers des émissions de CO2 en Suisse sont dues au trafic routier, détaille-t-il. La priorité doit être mise sur les villes, qui subiront le plus fortement les hausses de température à cause du peu de végétation et de la réflexion de l’asphalte, notamment.» A Genève, en particulier, on s’attend à en subir de plein fouet les conséquences. Selon le Réseau de recherche sur le changement climatique urbain, la cité de Calvin se classe en deuxième position des villes qui subiront le pire réchauffement: 2,5 degrés de plus en 2030 et jusqu’à 4,5 degrés en 2050.

Ne plus compenser les places de stationnement

Pour permettre la mise en œuvre du texte, les initiant·es ont prévus plusieurs mesures. Premièrement, les autorités seraient tenues de veiller au maintien de la végétation existante, le débat sur la coupe des arbres étant devenu incontournable. Deuxièmement, une commission consultative, chargée de surveiller la mise en œuvre de la loi, serait instaurée. Le Conseil d’Etat devrait lui remettre un rapport pour en rendre compte tous les deux ans. L’objectif étant d’éviter les écueils qu’a subis l’initiative 144 dont l’application, encore partielle, a mis très longtemps à se dessiner.

Mais l’élément le plus important du dispositif n’est pas là: les espaces regagnés sur la voiture dans le cadre de l’initiative ne seraient plus soumis au principe de compensation des places de stationnement. «C’est ingénieux, ça permet à cette initiative d’être un vrai ‘croque-bitume’», s’enthousiasme Louise Trottet. Et pour cause: si elle devait aboutir, ce serait environ un million de mètres carrés repris au trafic routier, soit l’équivalent de la moitié du tarmac de l’aéroport.

Pour y parvenir, les initiant·es peuvent compter sur le soutien d’une large coalition politique et de la société civile: l’Alternative et les Vert’libéraux au niveau politique, et une vingtaine d’associations parmi lesquelles l’ATE, Pro vélo, l’Avivo ou encore la Grève du climat. Ils et elles ont jusqu’au 30 août pour récolter 5398 signatures.

LE COURRIER 29 avril 2021 Mohamed Musadak /
Le lancement de l’initiative a été accompagné par la performance « Halo de fraîcheur » de Foofwa d’Imobilité. Photo d’Eric Rosset